• Le chasseur

    Pour le défi du Samedi, cette semaine c'était "Histoire fantastique". Ames sensibles s'abstenir.

    L'homme marche à grands pas, écrasant les feuilles sous ses pieds. Pourtant, il se déplace presque sans bruit, tel un grand prédateur.

    Son visage serait beau s'il n'arborait pas une mâchoire crispée et des traits furieux.

    C'est l'aube, il avance dans la forêt, son fusil serré entre ses mains. Il n'a qu'une idée en tête, toujours la même, tuer, tuer, faire mal, faire le Mal.

    Tout à coup dans le silence des arbres, il lui semble entendre une cavalcade. Là, oui, là, un peu plus loin dans la légère brume qui stagne encore entre les arbres, il perçoit le silhouette d'un cerf suivi d'une biche et de son faon. Il s'arrête net, épaule et vise le petit, heureux déjà à la perspective de détruire une jeune vie.

    Mais dans le viseur plus rien.

    Il maugrée, aurait-il eu une hallucination ?

    Serrant encore plus fort les mâchoires, les sourcils froncés, il s'enfonce plus loin dans la forêt.

    Tuer, tuer encore et encore, c'est là son credo. Tirer sur les cervidés, tirer sur les lièvres, tirer sur les faisans et quand la saison de la chasse est terminée, braconner, tirer ou écraser les chats, les chiens où n'importe quelle sale bestiole qui croise son chemin.

    Et imaginer les maîtres de ces malheureux animaux se lamenter, fantasmer sur les pleurs des enfants privés de leurs compagnons, savoir que derrière lui il laisse une traînée de souffrances humaine et animale lui fait du bien, c'est pour lui une jouissance sans limite.

    Un sourire glacé nait sur ses lèvres au souvenir de ses exactions, au souvenir des corps pantelants et sanglants qui jonchent son chemin.

    Un jour peut-être, rêve-t-il, il s'attaquera à la proie suprême, une jeune fille pleine de vie et de joie qu'il croise parfois.

    Pris dans ses évocations, il ne s'aperçoit pas qu'il n'a pas emprunté le chemin habituel. Ici le bois se fait plus sombre, bruissant de mille voix. La brume s'élance à l'assaut des arbres.

    Lorsque, enfin, il reprend pied dans la réalité, il se trouve à quelques pas d'une chaumière qui se tapit au milieu des ronces.

    Tout autour de lui, ce n'est plus que geignements, aboiements, miaulements, sifflements plaintifs.

    Agacé, puis vaguement effrayé par ces sons qui l'assaillent, il tourne le dos à la maisonnette et regarde autour de lui.

    Et là, il les voit, ils s'approchent de lui de toutes parts à pas feutrés, leurs blessures saignantes, leurs gueules pleines de gémissements, ils sont comme évanescents.

    Comment cela se peut-il ? Il lui semble reconnaître, mais c'est impossible, toutes les victimes qui ont jalonné sa route de tueur impitoyable, animaux sauvages, animaux domestiques, les yeux brillant de haine, s'approchent de lui.

    Il se met à tirer n'importe comment, rechargeant encore et encore son instrument de mort.

    Mais en face de lui les victimes devenues vengeresses le cernent.

    En désespoir de cause, les insultes à la bouche, il se rue dans la cabane, coince la porte comme il le peut et se réfugie dans un coin, tremblant comme ce faon qu'il avait acculé, pleurant de détresse comme ces chats et ces chiens torturés par plaisir.

    A l'extérieur, les cris des animaux viennent en vagues successives se heurter aux murs de la masure, les corps se frottent contre la porte, les volets, une odeur de sang plane dans l'air.

    La journée passe ainsi, il ne sait plus qui il est, plus ce qu'il fait, ce qu'il doit faire.

    Et brusquement c'est le noir, il s'évanouit de peur, lui le cruel chasseur.

    La nuit est tombée quand il revient à lui.

    Il n'entend plus rien !

    Ses agresseurs semblent être partis.

    Alors, il se redresse, un grand rire le secoue, il montre le poing et hurle "Je vais vous tuer tous !". Alors, une lueur embrase la petit maison, une voix désincarnée s'élève "Tu n'as rien compris, tans pis pour toi !".

    Et la porte s'ouvre seule, et les animaux fantômes qui attendaient dehors se ruent à l'intérieur et ensevelissent leur tortionnaire sous leurs corps torturés, crocs, griffes, becs prêts à le déchiqueter.

    Un hurlement sans fin s'échappe de sa gorge tandis qu'il succombe à l'assaut.

    Quelques jours plus tard, des promeneurs égarés trouvent le corps du chasseur.

    Mis à part son visage tordu par une peur sans nom, son cadavre ne présente aucune blessure.

    Et tandis que les secours l'emmènent vers sa dernière demeure, de la chaumière s'élance vers l'azur du ciel une brume impalpable.

    Peut-être que si les témoins regardaient mieux, ils pourraient distinguer au cœur de cette nuée les silhouettes joyeuses et apaisées des animaux guéris de leurs blessures.

    Et là-bas, dans la plaine, une jeune fille respire à plein poumons, heureuse de se sentir vivante comme jamais auparavant. L'étrange poids qui accablait ses épaules depuis quelques temps vient de s'envoler.

    Cette petite histoire est aussi un hommage au site "Les chats du Maquis" dont le refuge a subi une attaque immonde d'un dingue de le gâchette. Une façon pour moi de rendre hommage aux petites victimes innocentes, justice puisse-t-elle leur être rendue.


  • Commentaires

    1
    Lundi 3 Novembre 2008 à 11:21
    edith
    Génial! histoire très bien racontée...originale et intéressante ..
    A faire lire à tous les méchants chasseurs de tous acabits!
    une belle morale à la fin
    Bon lundi Martine
    2
    Lundi 3 Novembre 2008 à 11:58
    Yvette
    Ah! bien fait pour lui! Que je suis contente! Et aussi bravo pour ton hommage aux chats du Maquis, tu es géniale Martine.
    Bisous du Lundi    Yvette
    3
    Lundi 3 Novembre 2008 à 12:30
    ALINE

    Belle histoire, qui n'est que justice... je hais les chasseurs,je hais tout ceux qui font du mal, aux animaux, quels qu'ils soient... Ici,les voila venges.. De facon,certes,definitive,mais bien merite...

    Tu imagines ? Si tous les animaux tues revenaient sous forme de fantomes ??? Quelle frousse pour tous ces chasseurs.. Que de morts sur la conscience.... Mourir de peur,de honte, voila une belle vengeance !!!

    Je suis allee voir sur le site des chats du maquis... la, c'est encore pire si je puis dire, car c'est mechant et gratuit... Quelle honte d'etre humain..... En plus d'etre une crapulerie d'un point de vue moral,c'est un "crime" ,legalement parlant... Qu'est ce que c'est que ces manieres ??? J'espère sans trop y croire que ces connards seront punis... Non,mais ???

    4
    Lundi 3 Novembre 2008 à 13:51
    Martine
    Merci, je suppose que les animaux parlaient à travers moi
    5
    Lundi 3 Novembre 2008 à 13:52
    Martine
    Ce texte m'a paru être une bonne façon de "venger" les petites victimes. Merci pour l'appréciation ;-)
    6
    Lundi 3 Novembre 2008 à 13:57
    Martine
    Je n'aime pas non plus la chasse, mais si elle est pratiquée avec respect et pondération elle est parfois (malheureusement) utile. J'ai un ami chasseur qui prend son fusil et son chien en période de chasse surtout pour avoir un bon alibi pour se promener, il ne ramène jamais rien ;-) voilà le genre de chasse que j'apprécie.
    Comme toi j'espère que le sale type (pourvu qu'il soit seul) sera puni.
    7
    Lundi 3 Novembre 2008 à 14:18
    Bigornette
    J'ai un peu de mal en toute honnêteté....mais ton histoire est morale..j'espère juste que tous les chasseurs ne sont pas aussi assoiffés de sang...j'en connais et même si je n'aime pas la chasse, je fais la différence entre le chasseur et le meurtrier..Souvent les meurtriers ont l'air innoffensif et ont une gueule d'ange...Par contre je trouve ton texte très bien écrit, et la raison pour laquelle tu l'a écrit excellente...je te fais des gros bisous et tu fais bien de prévenir au départ ...j'ai du mal avec tous ce qui est sanguinolant et cruauté, même si ça fait malheureusement partie de ce monde à la con dans lequel nous vivons...BISOUS..
    8
    Lundi 3 Novembre 2008 à 14:21
    Martine
    Non comme je l'écris à Aline, tous les chasseurs ne sont pas des monstres pour certains c'est seulement l'occasion de se balader. Mais notre défi était de faire un texte à la Poe ou à la Maupassant, et si je me souviens bien des nouvelles de Poe, elles ne sont pas pour les âmes sensibles !
    9
    Lundi 3 Novembre 2008 à 19:56
    camomille
    Je vais faire des cauchemars Martine... Non j'aime beaucoup.. Quel horreur ce carnage. Pauvres chats qu'ont-ils fait pour mériter ce sort.....
    10
    Lundi 3 Novembre 2008 à 21:22
    béa kimcat
    coucou martine
    je suis émue en lisant cette belle histoire ; merci pour rose et joelle si dévouées pour la cause féline
    bisou de béa kimcat
    11
    Lundi 3 Novembre 2008 à 21:52
    Martine27
    J'espère que je ne vais pas t'empêcher de dormir. Va savoir ce qui a pu passer par la tête de ce dingue !
    12
    Lundi 3 Novembre 2008 à 21:53
    Martine27
    L'histoire, comme bien souvent, s'est imposée d'elle-même. Il faut dire qu'avec Poe comme trame de consigne, les chats ne pouvaient qu'être présents.
    13
    Lundi 3 Novembre 2008 à 22:07
    Douce soirée à toi.                             
    14
    Mardi 4 Novembre 2008 à 07:43
    Martine27
    Merci et bon courage à vous
    15
    Mardi 4 Novembre 2008 à 08:48
    Croco
    J'ai eu beau essayer, je n'ai jamais compris qu'on tue.
    Je comprend qu'on piste, qu'on se cache à l'affut pour surprendre un animal dans ce qu'il a de plus naturel, je l'ai fait moi-même avec mon appareil photo, mais je n'admet pas que ça doive se terminer par la mort.
    16
    Mardi 4 Novembre 2008 à 09:13
    Martine27
    Et c'est sûrement encore plus sportif avec un appareil photo, il faut être encore plus discret. Dans le temps c'était compréhensible c'était une façon de ramener à manger à la maison, mais maintenant ce n'est plus vraiment le cas tout au moins dans nos pays
    17
    Mardi 4 Novembre 2008 à 10:41
    Francis
    belle histoire qui fout quand même les chocottes. Parfois j'ai l'impression de voir plein de mouches voler devant mes yeux : ce sont peut-être celles que j'ai écrabouillées pendant toutes ma vie ? Quoi ? Que j'aille chez l'ophtalmo ? Ah oui, peut-être...
    18
    Mardi 4 Novembre 2008 à 10:59
    Martine27
    C'était le but de flanquer les chocottes ! Je me souviens d'une nouvelle de Somerset Maugham (enfin il me semble) où un boucher spécialisé dans l'abattage des chevaux se retrouvait une fois mort envoyé dans un enfer peuplé de chevaux, flippant à souhait. Après tu fais gaffe à la moindre fourmi qui passe sur ton chemin.
    Au fait ton cow-boy il a des lunettes ?
    19
    Mercredi 5 Novembre 2008 à 22:11
    Bonne et édifiante histoire, j'ai été incapable de faire qq chose de satisfaisant sur ce thème...
    20
    Jeudi 6 Novembre 2008 à 07:46
    Martine27

    Le fantastique est un thème que j'aime beaucoup, alors ce n'était pas trop compliqué. Je pense à notre histoire policière

    21
    Jeudi 6 Novembre 2008 à 19:28
    Bonjour Martine, en effet un récit touchant et très poignant. J'ai apprécié le lire et d'autant plus que tu rends hommage à cette association qui a vécu ce grand malheur.

    Merci pour ce partage.
    22
    Jeudi 6 Novembre 2008 à 21:15
    Martine27
    Comme je ne savais pas trop comment exprimer vraiment ma sympathie, j'ai trouvé qu'un récit fantastique pouvait permettre de régler quelques comptes, même si ça ne sert pas à grand chose ça fait du bien de l'écrire
    23
    Lundi 10 Novembre 2008 à 07:57
    polly
    superbe comme tojours, captivant... et on a envie de dire bien fait! mais la souffrance qu'il avait sur les épaules cet homme... d'où venait-elle?
    24
    Lundi 10 Novembre 2008 à 08:02
    Martine27
    Merci. Je ne me suis pas penchée sur le ressenti de ce vilain bonhomme. Mais je pense qu'il y a des gens qui ont le mal en eux sans être forcément passés par la case "sévices"
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